Nous traversons une période de transition. Cela fait maintenant deux ans que nous sommes entrés en crise. Comment trouver les ressources en nous pour la traverser ?

Le changement dans nos vies

Il y a des périodes de la vie où nous rencontrons des situations majeures, des épreuves à traverser. Pour certains ce sont des séparations, pour d’autres la perte d’un emploi, le départ d’un être cher. Ces situations nous font connaître individuellement des phases de changement profond.

Les générations précédentes ne connaissaient que peu de changements dans leur vie quotidienne. Le destin étant souvent tracé d’avance, que cela soit sur le champ professionnel, familial ou sur celui de la vie en société. De façon très schématique, l’existence de ces générations d’après-guerre en était ainsi. A l’inverse, dans notre monde contemporain, le changement fait partie de notre culture.

La technologie évolue depuis plusieurs décennies de manière exponentielle. L’ère du numérique s’immisce dans nos vies et les disrupte en générant des changements permanents dans notre quotidien sur tous ses aspects. Ce contexte a fragilisé l’adulte d’aujourd’hui. Jean-Boutinet a consacré un ouvrage (« Penser l’accompagnement adulte ») à ce phénomène, où il met en avant cette vulnérabilité de l’adulte d’aujourd’hui : « En effet, de l’accompagnement thérapeutique à l’accompagnement en formation en passant par l’accompagnement dans les parcours d’insertion ou encore par l’accompagnement professionnel, tout adulte éprouve aujourd’hui dans ses espaces de vie le besoin de se faire accompagner ».

Changement ou transition

C’est dans cette atmosphère déjà fragilisée de l’adulte que nous sommes entrés dans cette crise sans précédent. Cette dernière nous impose pour le coup, et cela quelque soit nos convictions, des changements majeurs dans nos vies. Ces derniers dépassent le cadre individuel et s’inscrivent ici dans un contexte collectif quasi mondialisé.

Il semble aujourd’hui nécessaire de nous arrêter pour observer ce qui se passe en nous. Le contrôle de nos vies en dépend. Donc, je vous propose ici d’appréhender cette question du changement et de la transition que nous sommes en train de vivre tous à notre niveau.

Notre société met en avant depuis un certain temps les capacités d’adaptation aux changements sans prendre réellement en considération la question de la transition. Cependant, celle-ci reste intrinsèque à tout changement.

Transition

Dans ce moment de vie que nous traversons, pouvoir différencier ces deux termes me paraît primordial. En effet, c’est un moyen pour trouver en nous les réponses justes face à cette crise. C’est peut-être l’opportunité de passer de l’adaptation à la transformation, à l’image de la chenille qui se transforme en papillon. Cette transformation ne serait-elle pas en phase avec le cycle de la vie ? Alors prenons connaissance de ces concepts de changement et de transition pour traverser positivement cette période, particulièrement exigeante.

William Bridges définit très bien ces deux termes. En effet, le changement désigne une réalité concrète, objective. C’est le passage d’une situation à une autre : un changement de travail, la naissance d’un enfant, le décès d’un proche, une union, une séparation, etc… La transition correspond à la manière dont l’individu vit, réagit, traverse, s’implique et intègre ce passage.

Comme l’écrit cet auteur, «  un changement ne prend réellement que si il est intégré par l’individu grâce à une transition ».

Entreprendre sa transition

Donc ce moment de vie est une invitation à réaliser une transition avec l’ensemble de ses rites. Il me semble être important pour notre devenir individuel et collectif de l’entreprendre avec le plus grand soin.

Effectivement, comme le décrit efficacement l’analyse systémique, face à un problème si nous ne prenons pas le temps de l’observer avec un regard nouveau, nous ferons une nouvelle fois « plus de la même chose ». Cela ne fera que grossir le problème.

Dès lors, comment se fait-il que face à un changement, nous répétons régulièrement les mêmes erreurs ? Une hypothèse, qui semble se vérifier, est que vivre pleinement une transition, suivant l’importance du changement, nous amène à la découverte de notre inconscient et nous invite à un travail de dés-identification. Bien souvent, se mettre au cœur d’une telle investigation nous effraie car elle consiste à aller regarder en face la remise en question et la souffrance qu’elle peut générer.

Ceci étant, la peur qui nous absorbe dans ces moments nous fait parfois plus souffrir que ce que nous allons rencontrer dans ce cheminement.

Par expérience, celui-ci est très régulièrement porteur de magnifiques découvertes. La vie est pleine de surprises qui peuvent nous tendre la main. La transition, bien qu’elle nous fasse sortir de notre zone de confort, est donc à entreprendre si nous souhaitons évoluer dans le sens de la vie.

Les phases d’une transition

Comme nos sociétés modernes ne nous préparent pas aux différentes étapes de cette transition, il en revient à chacun de nous de faire ce travail en conscience. Pour nous y aider, je vais décrire ce qui constitue une transition.

De manière synthétique, William Bridget a observé 3 phases dans ce processus : la fin, la zone neutre et le nouveau départ. Chacune de ces phases nous appelle à sortir de notre zone de confort. C’est le temps de la déconstruction de notre identité et de nos croyances pour nous permettre d’accomplir notre transformation. Voilà un sacré engagement ! Rentrons donc maintenant dans la connaissance de ce processus.

La fin

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Paradoxalement le processus de transition commence par une fin. C’est une première appréhension importante car comme l’écrit William Bridget, « toute fin est une mort symbolique ». Cela nous confronte inconsciemment à notre rapport à la mort. L’individu qui ne s’est pas confronté de manière consciente à cette question risque de prendre peur et de se détourner de cette transition. Alors, pour éviter ce phénomène, prenons exemple sur l’univers. Le renouvellement de la vie se fait à partir d’une étape de chaos, de destruction. Un renouvellement qui conduit à une évolution de notre être dans quelque chose de plus accompli. Voilà l’intérêt d’une fin.

Cette étape de fin est également un processus en soi. Quelle croyance devons-nous lâcher ? Quelle habitude nous freine dans notre évolution ? A quoi sommes nous attaché matériellement, affectivement ?

Donc cette étape nous conduit à la dés-identification et à la désorientation passagère. Dans ces moments-là, notre corps devrait fortement réagir mais aussi notre mental. Il sera sans doute difficile d’observer cette situation sous l’angle d’opportunité à saisir. C’est probablement le signe de messages riches d’enseignement à aller écouter. Une attention à porter sur nos ressentis pour pouvoir les accueillir pleinement quand le temps sera venu pour chacun de le faire.

Quelle que soit la chose à laquelle nous devons renoncer, il s’agit d’une réalité intérieure. Les personnes qui abordent le changement en se référant à l’extérieur répètent toujours les mêmes erreurs. Par exemple, ils peuvent sans cesse changer de travail, de partenaire avec parfois les mêmes conséquences.

Aussi, cette réalité intérieure peut être une expérience douloureuse où nous aurons peut-être l’impression d’être vidé de notre être. C’est pourquoi connaître l’utilité de ce processus de fin et de la souffrance qui risque de l’accompagner peut permettre de mieux l’accueillir. Nos douleurs devraient s’alléger en évitant de nous trouver surpris et déborder par elle.

Pour conclure sur cette phase de fin, je reprendrais les mots de Mircea Eliade :

« Dans aucun rite ou mythe, nous ne rencontrons la mort initiatique uniquement en tant que fin, mais en tant que condition sine qua none d’un passage vers un autre mode d’être, épreuve indispensable pour se régénérer, c’est-à-dire commencer une nouvelle vie. »

La zone neutre

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A la suite du processus de fin, la transition nous fait traverser une zone neutre. Bien sûr, cet ordre des choses est très réducteur car tout dépend de l’expérience de vie que chacun rencontre. Les étapes peuvent s’entremêler les unes aux autres en fonction de la situation.

Toujours est-il qu’une zone neutre correspond à une sensation de vide générée, entre autre, par le phénomène de désorientation et de dés identification. Le vide, le silence voilà encore un état que nous avons du mal à supporter dans notre civilisation occidentale. La qualité de notre transition dépendra de notre relation au vide et à l’inaction. Comme l’écrit Lao Tseu, « pratiquer le non agir, c’est oeuvrer dans l’inaction, goûter ce qui est sans saveur » ? C’est donc bien un art.

Voilà donc un temps que l’on consacre à soi où l’on se pose. Ce temps de recul, de repli peut-être long. Certains se retirent de leur environnement sur des périodes allant de quelques jours à quelques semaines pour se vider le plus en profondeur possible. Cette zone correspond à l’expérience transformatrice de l’être. Les cultures traditionnelles accueillent pleinement cette période et organisent aussi leur société pour soutenir ces passages. En effet, c’est de ce vide que va émerger un espace de créativité, une ouverture vers une nouvelle direction.

Savoir que cette phase fait partie du processus naturel aide à y pénétrer par l’abandon de soi. Encore une fois cette phase pourra sembler chaotique. Mais comme les scientifiques le décrivent, le chaos universel est l’état primaire d’énergie pure auquel l’individu doit retourner pour tout véritable nouveau départ.

Aussi, c’est de cette zone neutre que notre vision de « réalité » et de notre existence prendra l’effet d’une illusion. Plus la conscientisation de ces désillusions sera importante plus la sagesse trouvera sa place. Donc plus la plongée dans cette zone neutre sera importante, plus la transition enrichira notre vie en devenir.

Par conséquent, il est important dans cette étape de bien prendre du « temps avec soi », sans continuer de s’activer dans quelconques activités qui nous éloigne de cette immersion intérieure. C’est la direction à prendre pour comprendre le sens de ce que nous traversons et pour laisser se dessiner de nouvelles orientations. Dans ces moments, ce ne sont pas les messages extérieurs qui pourront répondre à nos besoins. Il s’agira d’aller découvrir en nous les messages cachés que nous communique notre organisme. C’est en nous mettant à notre écoute que nous trouverons nos réels désirs enfouis. C’est uniquement dans l’alignement de tout notre être à ces questions existentielles que s’achèvera cette zone neutre pour laisser la place à la construction d’un nouveau départ.

Le nouveau départ

Les « vrais » nouveaux départs, dans l’envie profonde de réaliser nos désirs, génère une intense motivation. Cependant cette étape est également semée d’embûches. Encore une fois des mécanismes inconscients vont se mettre sur notre trajectoire.

A ce petit jeu, notre mental, notre critique intérieur, nous tendra des pièges et essayera sans doute de saboter les nouveaux schémas que nous tenterons de mettre en place. Notre entourage jouera également un rôle dans ce cheminement modifiant la nature de nos relations. L’ensemble répondant à la logique des systèmes en recherche d’équilibre.

En effet, nous aurons sans doute l’envie de devenir le plus autonome possible, d’affirmer notre indépendance mais nous aurons à faire à tout un spectre de mécanismes intérieurs et extérieurs.

Nous aurons dès lors de nouveau un dialogue, avec nous même et notre environnement, à instaurer avec la plus grande attention.

Et puis il y a toutes les difficultés que représente un nouveau départ avec une nouvelle identité à construire. Le retour à nos vieilles habitudes frappant à la porte nécessitera de faire le tri afin de conserver celles qui nous portent et de nous défaire de celles qui nous freinent. Le nouveau départ sera le plus complet si la fusion entre la nouvelle identité et certains aspects de l’ancienne s’accomplit.

La transition aura finalement permis à l’être de développer son potentiel pour mieux s’accomplir et rayonner dans la vie.

Une transition aboutie

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Nous venons de voir que l’acceptation de vivre cette période de transition avec la plus grande conscience nécessite du courage et un vrai dépassement de soi. En effet, nous rencontrerons des pertes de repère, nous rentrerons dans une phase d’insécurité, des phases de solitude dans notre immersion et peut-être même un rejet social vis à vis des personnes qui ne comprendront pas notre démarche. Mais réaliser en présence, avec une grande ouverture à la curiosité permettra, d’une part d’atténuer les zones de turbulences qui se présenteront et d’autre part de prendre du plaisir à travers les découvertes qui s’offriront à nous.

En définitive, ce passage initiatique aura pour effet d’accroître la confiance et le respect de soi, de trouver de la satisfaction et de la plénitude dans notre nouveau mode de vie. Nous gagnerons en indépendance et en liberté. Une paix gratifiante se sera installée en nous si toutes les étapes de la transition ont été réalisées avec soin.

Une transition aboutie nous aura appris l’art de nous fier à nos messages corporels comme l’enseigne la pratique du focusing. Dès lors nous voilà devenu papillon.


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